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Quand la droite agrandit la fenêtre d'Overton

  • Nathalie Perrin-Gilbert
  • 13 févr.
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 20 juin

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Le 19 décembre dernier, les élus régionaux réunis en assemblée plénière adoptaient le budget 2025 de la région Auvergne Rhône-Alpes avec un recul des dépenses de fonctionnement de la collectivité de 3 %, soit 80 millions d’euros en moins sur un budget de 2,5 milliards d’euros. C’est que, dans la droite ligne de son prédécesseur, l’actuel président de la région AURA veut faire office de très bon élève en matière de rigueur et de responsabilité budgétaires, demandant à tous de se serrer la ceinture… pour que quelques-uns puissent mieux se la desserrer sans doute, comme lors de ces fameux « diners des sommets » à 1.000 ou 1.200 € par tête invitée au frais du contribuable.


Surfant habilement sur la nécessité pour les collectivités locales de participer à l’effort national de réduction des dépenses publiques, l’exécutif régional a décidé de s’en prendre brutalement –et notamment- au secteur de l’Economie Sociale et Solidaire : une coupe de 1,7 million d’euros était ainsi annoncée à l’occasion du vote du budget 2025. Pensez donc, un secteur économique qui se revendique mutualiste et coopératif, qui fonde ses activités sur un principe d’utilité sociale, qui adopte des modes de gestion démocratique et qui encadre strictement l’utilisation de ses bénéfices… Il n’en fallait pas plus à notre exécutif régional pour taxer l’ensemble du secteur, communiqué de presse à l’appui, « de gauche et d’extrême gauche » ! Après tout, en région AURA, nous n’en sommes plus à une grossièreté près…


Une grossièreté qui pourrait être risible si elle n’était dramatique : ces caricatures grotesques et ces oukases régionaux portent atteinte aux 28.000 employeurs de l’ESS en région, qui ne représentent pas moins de 330.000 emplois avec un solde positif de 3.600 emplois en 2024. Autrement dit, malgré une conjoncture économique très incertaine, il se crée dans l’ESS plus d’emplois qu’il n’en disparaît. Par ailleurs, l’argument massue de l’exécutif régional, selon lequel l’économie sociale et solidaire ne (sur)vivrait que sous perfusion de financements publics, n’est qu’un mensonge politique de plus. Rappelons-nous par exemple que, chaque année au niveau national, 150 milliards d’euros d’aides publiques sont distribués à l’économie « conventionnelle », contre 10 fois moins au secteur associatif qui représente pourtant 80 % des 2,7 millions d’emplois ESS en France.


Face au branle-bas de combat provoqué par les annonces de coupe budgétaire de la mi-décembre, l’actuel président de Région a reculé. Plus question de supprimer, tel qu’initialement prévu et annoncé, le million à destination de France Active, ce réseau d’entrepreneurs qui soutient les structures de l’ESS par divers prêts et garanties. La dotation de 200 000 euros à l’AGF SCOP est rétablie également. Bravo à toutes celles et tous ceux qui se sont mobilisés ! On ne remerciera pas pour autant l’exécutif régional. Supprimer des subventions ou des dotations pour mieux les rétablir ensuite, et présenter cela comme une faveur ou une grâce qu’il faudrait saluer, relève d’une ficelle un peu grosse et du fait du prince plus que de la responsabilité politique. D’autre part, l’étau gouvernemental sur les collectivités locales semble s’être desserré depuis décembre puisque la contribution à « l’effort national » demandée aux collectivités a diminué de moitié, passant de 5 à 2,2 milliards d’euros…


Enfin, des restrictions restent. Et pas des moindres. Ainsi par exemple la Chambre Régionale de l’Economie Sociale et Solidaire, la CRESS, se voit bien retirer par la Région AURA la totalité de sa subvention de fonctionnement, soit 230.000 €, soit un quart de son budget annuel, au motif d’être une « structure inefficace » faisant partie d’un « écosystème administratif qui vit de subventions ». Derrière ces accusations grossières et mensongères -on s’en convaincra en lisant les rapports d’activité de la CRESS- se cache un projet politique funeste et dangereux : s’en prendre aux corps intermédiaires et aux organes d’organisation et de représentation de la société civile, démanteler notre démocratie sociale.


D’ailleurs, dans un autre secteur, l’Agence de la Transition Ecologique (l’ADEME) est également menacée selon le même stratagème et avec strictement les mêmes arguments. Ainsi Laurent Wauquiez (tiens ?!), en campagne pour la présidence du parti des Républicains, s’est attaqué violemment aujourd’hui, lors d’un déplacement à Valence, aux experts de l’ADEME, les accusant de « ne pas être des experts » et d’être « portés par une idéologie d’extrême gauche ». Une accusation « à la Trump » mais qu’importe ! Pour tenter de se refaire une santé, la droite n’en finit plus d’agrandir la fenêtre d’Overton, quitte à déconstruire un peu plus notre République.


Alors oui, parce qu’elle est durement et injustement attaquée aujourd’hui, parce qu’elle est une instance légale et institutionnelle d’organisation et de représentation de la société civile, la Chambre Régionale de l’Economie Sociale et Solidaire en Auvergne-Rhône Alpes doit être défendue. Je fais une proposition en ce sens à nos parlementaires : conférer aux CRESS le statut de chambres consulaires, c’est-à-dire d’établissements publics d’Etat. Il me semble que ce statut protégerait mieux leur existence et leurs missions, que ne le fait aujourd’hui celui d’association loi 1901 sur lequel elles reposent. Et puis… à ce jour, je n’ai pas vu un dirigeant politique s’en prendre si violemment à l’une des chambres consulaires que sont la Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI), la Chambre des Métiers et de l’Artisanat (CMA), ou Chambre d’Agriculture (CA), peut-être trop conscient des retours de bâtons électoraux auxquels il s’exposerait…


Lyon, le 13 février 2025

Nathalie Perrin-Gilbert

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