Frontières
- Nathalie Perrin-Gilbert
- 30 janv.
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 20 juin

J’aime la politique. J’aime la politique quand elle consiste à s’écouter, se parler, se rencontrer : à « être sur le terrain » comme on dit. C’est d’ailleurs bien souvent au contact des habitantes et habitants que je retrouve le sens de mon engagement public. Ce sens qui vient à manquer parfois dans les couloirs et les antichambres du pouvoir, y compris municipal.
Mardi dernier, j’étais dans le quartier des Etats-Unis, un quartier populaire du 8e arrondissement dessiné initialement par l’architecte et urbaniste Tony Garnier à la demande du maire Edouard Herriot. Un quartier sorti de terre dans les années trente et dont les aménagements successifs se sont suivis jusque dans les années quatre-vingt-dix. Dans un café du boulevard des Etats-Unis, avec les habitantes et habitants, avec les commerçants sédentaires et forains, nous avons parlé pendant trois heures. Autour des tables mises bout à bout, un constat s’est vite installé : le quartier se sent oublié, délaissé.
Ce sentiment d’abandon se nourrit du peu de considération porté à l’état général du quartier. Préfecture, métropole, ville et bailleurs sociaux se renvoient la balle en matière de sécurité, d’aménagement, de travaux, de propreté. Un classique. Avec comme point de cristallisation « le marché sauvage » des Etats-Unis. On a parlé des éboueurs qui « ne passent plus », des rats qui galopent dans les rues ou surgissent des poubelles, des travaux de réalisation d’une piste cyclable dont les habitants, ici, se demandent bien à qui elle va servir.
Le sentiment d’abandon se nourrit du peu de considération porté à la parole des habitantes et habitants, à leur expérience, leurs besoins, leur désir. J’ai senti dans ce quartier une volonté farouche de vivre ensemble. Oui, ce vivre ensemble dont on parle si souvent mais qui, là, existe. Peut-être plus par la force des choses que par choix ? Peut-être par obligation de « se serrer les coudes » ? Peut-être aussi parce que le génie de Tony Garnier opère toujours et que ce quartier ouvrier a su garder son âme et sa générosité.
Je vais revenir « aux Etats », rendez-vous est pris fin mars. Entre temps, je visiterai quelques logements à l’invitation des habitantes et habitants pour que « je me rende compte par moi-même ». Bien sûr je préviendrai les bailleurs. J’écrirai aussi aux services de la Préfecture, de la Métropole, de la Ville afin de porter la voix de ces Lyonnaises et Lyonnais qui se sentent aujourd’hui poussés à la frontière de la ville. Il est encore temps car si l’incompréhension, la tristesse et la colère sont là, il y a bien une chose que je n’ai pas trouvée mardi aux Etats : la résignation.
Lyon, le 30 janvier 2025
Nathalie Perrin-Gilbert




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